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1999 - 2021

Que tournent les ailes!

Bruno Soudan - Septembre 2021

Si Don Quichotte combattait les moulins à vent qu’il croyait être des géants envoyés par des méchants magiciens, les acteurs qui combattent pour faire revivre le Moulin de Saintes sont au prise avec une réalité tout autre :

la longueur administrative d’un dossier de rénovation de monuments classés !

Le déclencheur du projet de rénovation

 

Lorsqu’en septembre 1994, le Ministre-Président de la Région wallonne, Guy Spitaels, inaugure le lancement des travaux du Parc d’activités économiques  (PAE) de Saintes, peu de monde aurait parié sur le succès fulgurant de ce zoning ! Et pourtant, il a connu le développement le plus rapide de toutes les zones similaires en Wallonie enclenchant rapidement l’idée d’un vis-à-vis de l’autre côté de l’autoroute A8 qui, à son tour, se remplit à vue d’œil.

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L’aménagement de cette zone économique ne fut pas un long fleuve tranquille tant la crainte des Saintois, alimentée avec opportunité par le PSC (l’ancêtre du CDH et du RC à Tubize), était grande de voir défigurer leur village.

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Le calme revenu et le zoning lancé, germe dans l’esprit de Bruno Soudan et Michel Januth l’idée de rendre aux Saintois une partie du dividende du succès engrangé par le Parc d’activités.

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La symbolique absolue du village se trouve aux portes du zoning mais aussi à la porte du Brabant wallon et de la Wallonie : le Moulin.

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A l’arrêt depuis le 30 juin 1975, cet outil industriel en péril mérite une complète rénovation à l’instar d’autres moulins flamands et wallons dont celui d’Ostiches qui servira d’exemple tout au long de la procession d’Eternach (trois pas en avant, deux pas en arrière) que constitue l’historique de cette rénovation.

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Construit sur un haut socle circulaire paré de briques et de contreforts, le Moulin de Saintes domine le paysage environnant. Constitué d’un fût tronconique en briques chaulées, il est coiffé d’une calotte tournante. Le type d’orientation « à chaise » de la toiture est un procédé que l’on ne trouve qu’en Belgique et à la frontière de la Région des Hauts de France.

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Le mécanisme intérieur, avec son système d’engrenage, ses deux paires de meules et le moteur diesel (qui prit le relais de la force éolienne), est intégralement conservé.

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Le Moulin en 1973

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Claude Pasture

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Baudouin le Hardy de Beaulieu

L’alignement des planètes

 

Très vite, il apparaît aux yeux des initiateurs que la remise en route du moulin sera longue, coûteuse et semée d’embûches.

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Mais des atouts existent : un pied dans l’Intercommunale INBW, un autre à la Province du Brabant wallon et une charge d’échevin, ça aide pour nouer les contacts et piloter l’avion ! Reste à convaincre.

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Ce n’est pas la mission de l’Intercommunale de rénover du patrimoine classé mais avec le Directeur général Claude Pasture, fils de meunier, et le Directeur du Service économique, Pierre Gaucet, enclin aux défis compliqués, l’affaire est lancée malgré la prudence d’un Président, Charles Aubecq, qui ne perçoit pas immédiatement le bénéfice symbolique de l’opération en terme d’image de marque. Il était d’ailleurs déjà réticent pour la préservation de la Ferme des Landas, magnifique bâtiment situé au milieu du zoning.

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Déjà le 30 novembre 1999, une note signée par Pierre Gaucet et intitulée                  « demande relative au Moulin d’Hondzocht de Tubize » atterrit dans l’ordre du jour de l’exécutif de l’IBW (note N°8). La décision : « le Collège Exécutif charge le service de poursuivre le dossier », ouvre toutes les perspectives.

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Côté Province, une autre chance est au rendez-vous. Le Député provincial en charge du patrimoine, Baudouin le Hardy de Beaulieu, est un défenseur acharné de l’héritage du passé. Avec le soutien d’une autre conseillère provinciale tubizienne, Jeanine Lens, la Province apporte son soutien à l’opération.

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Reste la ville de Tubize dont le Collège échevinal s’en remet à la guidance de Bruno Soudan. C’est d’autant plus aisé que, jusqu’à présent, les finances communales ne sont pas sollicitées !

La convention à quatre partenaires

 

Pour passer des intentions à la concrétisation, il faut coucher sur papier une convention entre les quatre partenaires. La Région wallonne s’associe évidemment à l’entreprise puisque le moulin est classé depuis le 4 avril 1944 et qu’il est repris sur la liste du patrimoine wallon depuis le 10 juin 1999.

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Le 6 décembre 2004, la Convention de partenariat est signée avec les approbations des assemblées respectives de la Ville, de la Province et de l’Intercommunale.

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Ce coup d’envoi se concrétise très vite par le rachat (bail emphytéotique) du moulin en novembre 2005 par l’INBW aux propriétaires, Oriane Braconnier et son mari John Dick. Oriane est la fille d’Angèle Depauw, la fille du dernier meunier, Frans. Angèle était l’exploitante de la taverne au pied du moulin.  Ce dynamique café se trouve en territoire flamand ! Actuellement, In de Molen, restaurant réputé, est dirigé par Philippe, supporter fidèle et impatient de la rénovation de son voisin, le moulin.

La clé récupérée, Bruno Soudan et Michel Januth organisent des visites du moulin durant le dernier week-end de juillet 2006. 

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Le succès est au rendez-vous et par groupe de 10, sous la conduite des meuniers du Blanc-Moulin d’Ostiches, les visites s’enchaînent avec le concours de bénévoles dont le regretté Jacques Tosolini .

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Ces 200 visiteurs seront les derniers à profiter des secrets du moulin avant une petite vingtaine d’années !

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Frans Depauw

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Le certificat de patrimoine : passeport indispensable !

 

La signature de la convention donne le coup d’envoi d’un parcours difficile, précis et long pour l’obtention du certificat de patrimoine.

 

Le certificat de patrimoine est l'acte administratif préalable à toute demande de permis d’urbanisme, relative soit à un monument inscrit sur la liste de sauvegarde, classé ou soumis provisoirement aux effets du classement, soit à un bien figurant sur la liste du patrimoine exceptionnel, qui fixe les limites et possibilités d’intervenir sur le monument ou sur le bien. 

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Un comité d’accompagnement nommé par le Gouvernement wallon est convoqué pour une première réunion le 17 janvier 2006 qui détermine la nature et l’ampleur des travaux à entreprendre ainsi que les études préalables concernant l’état sanitaire du moulin. Ce comité composé d’ architectes, d’ingénieurs, de spécialistes des moulins (Région wallonne et Fédération WB) et de représentants de la ville (messieurs Januth et Soudan), de la Province (madame Kibassa-Maliba, Députée provinciale) et du Maître d’ouvrage (INBW) chargé de mener à bien les travaux.

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A la fin du processus, le Comité est invité à la réunion de synthèse. A l’issue de cette réunion finale, tous les documents sont rassemblés : les études préalables, les plans de la situation projetée, les élévations, les coupes, les plans de détails, le cahier spécial des charges, le métré descriptif et estimatif. Le dossier complet est adressé au Gouvernement wallon pour obtenir le fameux certificat qui ouvre les portes aux subsides et au permis d’urbanisme.

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Entre ces deux réunions situées aux extrémités de la ligne du temps de la procédure, il faut tabler sur un délai de 5 années pour un dossier aussi complexe que la remise en route « à l’identique » d’un moulin à vent dont le budget des travaux est évalué à près de 2 millions d’euros.

2006 – 2013 : le projet est mis à l’arrêt
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Après un excellent départ du Comité d’accompagnement avec notamment la réalisation de l’état sanitaire du moulin (à l’arrêt depuis 1975), le résultat des élections d’octobre 2006 va marquer le coup d’arrêt de la rénovation.

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Avec la nouvelle majorité formée par Monsieur Langendries, ce dossier passe aux oubliettes malgré la présence à ses côtés d’un ancien responsable du patrimoine en Wallonie qui avait œuvré pour la restauration du Château de Clabecq et malgré le fait qu’il avait signé la Convention de partenariat le 6 décembre 2004 !

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Chaque responsable politique a ses priorités (footballistiques ou autres) mais l’abandon de la rénovation du moulin était très préjudiciable à deux titres :

  • L’état sanitaire connu du bâtiment laissait prévoir un écroulement en cas de fortes tempêtes (malgré des soutènements d’urgence).

  • L’abandon de la présence communale au Comité d’accompagnement n’encourageait pas les autres partenaires à continuer le projet.

 

Hélas, les deux craintes se vérifièrent :

  • Une partie du porche du moulin s’est écroulée sous les coups de butoir du vent et de la pluie.

  • La Province mit son énergie sur d’autres projets (Villers-la-Ville, Waterloo 1815, …) et l’INBW (au service des communes) respectât le choix de la ville d’abandonner le   projet !

 

Il faudra attendre les élections de 2012 et l’arrivée de Michel Januth comme nouveau Bourgmestre et de Bruno Soudan comme Echevin des grands projets pour relancer la rénovation.

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Eddy Deflandre

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Retrait des ailes

2013-2018 : 5 ans d’intenses démarches 
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Relancer un dossier quand il a été abandonné en rase campagne exige comme point de départ d’à nouveau convaincre les partenaires de la pertinence du projet. Des changements étaient aussi intervenus dans le pilotage des institutions intercommunales et provinciales.

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A l’INBW, le nouveau directeur-général, Baudouin le Hardy de Beaulieu, était convaincu de la pertinence de la rénovation depuis 2004 puisqu’il avait signé la convention de partenariat comme Député provincial. Le nouveau directeur du Service économique, Eddy Deflandre, avait à cœur de respecter les engagements de départ. Hélas, emporté par le Covid en 2019, il n’aura pas la satisfaction de voir ses efforts couronnés de succès. Son adjointe, Valérie Kessen, a repris le flambeau avec l’aide de son talentueux collaborateur, Adam Marlot

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A la Province du Brabant wallon, les élections de 2012 apportent aussi une bonne nouvelle puisque la Députée provinciale tubizienne, Isabelle Kibassa-Maliba, a en charge les dossiers relatifs au patrimoine et au tourisme.

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Le Comité d’accompagnement reprit son travail avec acharnement mais c’était un nouveau départ. Nous repartions quasiment de zéro !

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Chaque détail de la rénovation a été examiné à la loupe comme, à titre d’exemple, deux séances consacrées à la couleur de la peinture de recouvrement : quelle nuance de blanc ! Après de multiples réunions arrivent les étapes essentielles comme la désignation du Bureau d’étude, l’établissement du cahier spécial des charges, les mesures de sauvegarde dont l’enlèvement des ailes (3 novembre 2015) qu’il faudra remplacer à l’identique. En parallèle, outre le subside attendu de la Région wallonne, il fallait également assurer le financement du solde du projet de 900.000 €. Les accords entre la Ville et la Province seront pris en 2018.

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Le Bureau d’étude choisi par appel d’offres pour mener à bien la rénovation est le Bureau d’architecte Sabine Okkerse d’Audenaarde.  La rénovation des moulins est essentiellement menée en Flandre et en Hollande. Les termes techniques sont d’ailleurs souvent difficilement traduisibles ce qui entraînât des retards dans l’établissement du cahier spécial des charges à destination des entreprises francophones !

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La firme chargée de la réalisation du centre d’interprétation « de la meunerie et de la force éolienne » sera la firme Bailleul de Gent à qui l’on doit de remarquables réalisations similaires dans des espaces restreints comme le « Fransmansmuseum » de Koekelare .

L’aboutissement
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C’est le 15 mai 2019 que la Ville reçoit le document indispensable: le Certificat de Patrimoine, nécessaire pour introduire le permis d’urbanisme mais aussi pour introduire la demande du subside au Gouvernement wallon. Il avait été sollicité le 17 janvier 2006.

La suite, après les délais imposés par les voies administratives,  c’est la bonne nouvelle annoncée le vendredi 9 juillet 2021 par Madame Valérie De Bue, Ministre en charge du patrimoine : le Gouvernement wallon accorde une subvention de 950.000 € destinée à la rénovation du moulin de Saintes !

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La subvention complétée par les interventions financières de la Ville, de la Province et la maîtrise d’ouvrage de l’INBW servira à la restauration complète du moulin : maçonneries, toitures, planchers des différents étages, mécanisme pour la mouture du grain, placement des nouvelles ailes et reconstruction du tertre qui deviendra un centre d’interprétation des moulins et de la meunerie mais aussi de l’importance de la force éolienne dans l’évolution de notre histoire, de l’économie et du climat.

Un projet touristique et culturel
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Il aura fallu 22 ans entre le premier document officiel parlant d’une rénovation

(procès-verbal d’un exécutif de l’INBW en 1999) et l’accord de subvention du

Gouvernement wallon en 2021. Et encore de la patience pour voir tourner les ailes

puisque les travaux qui débutent en janvier 2022 sont prévus pour 200

jours ouvrables.

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La programmation des travaux se fera incessamment entre l’INBW et les deux firmes

désignées par appel d’offres : la société Ets Gustave & Yves Liégeois pour la

partie du tronc du moulin et la société Adriaens Molenbouw Weert pour la

machinerie.

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En parallèle, l’organisation de la nouvelle vie du moulin est aussi un grand chantier.

Ce monument, symbole du village de Saintes, sera un nouveau pôle d’animations,

de tourisme et de fêtes mais aussi un pôle culturel destiné à accueillir du public et

notamment les écoles. L’Office du Tourisme et du Patrimoine (OTP) qui a son siège

au Musée de la Porte sera, à coup sûr, impliqué dans ce beau développement

soutenu par un Comité d’accompagnement du moulin et le Centre culturel.

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Rappelons que le moulin dont la construction remonte aux environs de 1770 a

traversé l’histoire de manière précise à deux reprises :

  • Le 18 juin 1815, il servit de poste d’observation au Prince Frédéric d’Orange

  • qui y avait rassemblé d’importantes troupes (17.000 hommes) en vue de servir

  • de renfort aux coalisés au prise avec l’armée Napoléonienne engagée à Waterloo.

       Une cérémonie est encore régulièrement organisée à Hondzocht, près du moulin, pour rappeler cet épisode qui changea le cours de      

       l’histoire.

  • Le 3 septembre 1944, les troupes alliées venant de la frontière française font route vers Bruxelles. A hauteur du moulin, les « Welsh Guards » britanniques sont pris à partie par un détachement de l’armée allemande. La bataille qui s’engage fera des morts et de nombreux prisonniers. Des photos de guerre de l’armée britannique prises dans le quartier du moulin et du château d’eau illustrent cet épisode de la libération de notre commune qui, hélas, conduira à la mort de trois soldats anglais au pont de Clabecq.

 
Histoire, tourisme, culture, patrimoine, fabrication de farine, brasserie : tous les ingrédients sont là pour faire du Moulin de Saintes un phare de la Ville, une porte d’entrée du Brabant wallon et de la Wallonie ainsi qu’un exemple exceptionnelle du patrimoine vivant.
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